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« Le genou a été

mon talon d'Achille »


Marc Lièvremont a une double particularité. Il a gagné le Grand Chelem en tant qu'entraîneur et joueur (comme Jacques Fouroux, Jean-Claude Skréla et Clive Woodward). Et il a perdu deux finales de Coupe du Monde, une comme joueur et l'autre comme entraîneur. Des performances d'autant plus remarquables que sa carrière internationale s'est déroulée en pointillé. Il y a eu sa fracture de la clavicule en 1997. Il y a surtout eu cette maudite et tenace blessure à ce genou qui a été opéré dix fois.


En 1994, Marc Lièvremont porte le maillot des Barbarians en Australie . Un mauvais appuie. Crac, le genou. Ligamentoplastie. Il reprend trop tôt... Commence alors un véritable chemin de croix. « Je me souviens ça me prenait à l'improviste. J'étais à table, un truc lâchait. Deux minutes plus tard, je me roulais par terre. Avec le genou gonflé de sang. Les chirurgiens s'arrachaient les cheveux. Aujourd'hui, je n'ai plus de ligaments croisés, je n'ai plus de cartilages d'un côté mais il me laisse tranquille. Curieusement, je peux courir. Mais ce genou a été mon talon d'Achille. »

Né le 28 octobre 1968 à Dakar (Sénégal)


Formé à l'ES Argelésienne

Poste : troisième ligne aile


Joueur :

Perpignan (1988-1997) 

Stade français (1997-2000) 

Biarritz (2000-2002)


25 sélections en équipe de France


Entraîneur :

Espoirs de Biarritz (2003-2005)

France moins de 21 ans (2003-2005)

Dax (2005-2007)

Equipe de France (2007-2011 ).

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les blessures

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Marc Lièvremont, 

 

La maison des Lièvremont n'était pas dans la prairie. Elle était au milieu des vignes. Elle s'appelait La Ribambelle. Difficile ne pas imaginer la bâtisse à l'intérieur des terres d'Argelès-sur-Mer, à l'abri du littoral, de sa plage et de l'air du large. Elle était pourtant à l'entrée du village. Les garçons et leur père avaient rasé un rectangle de pieds et sarments pour créer un terrain omnisports. Un panier de basket avait poussé à la place du raisin. Deux poteaux télégraphiques en bois avaient été récupérés pour former des pagelles. Totems. Marc, l'aîné, et ses frères Thomas, Matthieu, Vincent, François, les jumeaux Pierre et Luc, ont tous, à un moment ou l'autre, foulé ce sol avec, dans les mains, un ballon ovale au cuir craquelé par le soleil. 
Ils ont joué, comme jouent les enfants, parfois sous les yeux de leur sœur, Claire. D'abord réfractaire à l'idée de ce monde ovale, elle fut championne de France de la discipline avec Toulouges (1), en juin 2005, au Stade de France, quelques heures avant que Thomas ne touche, sous les couleurs de Biarritz, son deuxième bouclier de Brennus face au Stade français (2). 
Trois ans plus tôt, même mois, même endroit, deux Lièvremont s'affrontaient déjà sur ce champ qui s'imprègne, saison après saison, du sang, des larmes et de la sueur des deux derniers survivants de la compétition. Thomas toujours dans le camp de Biarritz et Matthieu, de deux ans son cadet, dans celui d'Agen. Le Biarrot l'avait emporté (3). 


En 1998, en mai, toujours dans la grande arène parisienne, Thomas, 24 ans, était déjà en piste. Cette fois avec le maillot de Perpignan sur ses épaules de déménageur. En face, dans les rangs du Paris flambant de neuf du président Guazzini et de l'entraîneur Bernard Laporte : Marc, 29 ans. Victoire des soldats, pas encore roses, de la capitale (4)... Chez les Lièvremont, à la fin, c'est toujours l'aîné qui gagne. Avec un zeste d'amertume dans la coupe de champagne. « Ce fut douloureux, confie-t-il, de battre mon petit frère et mon ancien club ».


Une mi-temps trois-quarts centre,

une mi-temps troisième ligne


Marc est le seul de la fratrie à ne pas être né sur le sol catalan. Il est arrivé à l'âge de 6 mois sur cette terre de caractère. Il a vu le jour à Dakar. Sa mère, Irène, est originaire de Meurthe-et-Moselle et son père, Roland est un Franc-Comtois charpenté. Disparu en octobre 2012, très athlétique, militaire devenu éducateur spécialisé, ce dernier a commencé le rugby sur le tard, à 33 ans, alors qu'il était muté au Centre national d'entraînement de combat, 1er régiment de choc, à Collioure. Pour l'anecdote, il a disputé le match de la montée d'Argelès contre le Nice de Herrero et des transfuges de Toulon. Il est à la genèse d'un club de randonnée en montagne. « Nous partions avec lui tous les étés, trois ou quatre semaines, se souvient Marc. Il nous initiait à la survie ». Le goût de l'effort, la pugnacité et l’opiniâtreté sont des valeurs partagées par toute la famille qui, selon lui, a le gène du sport.


Contrairement à son paternel, il a débuté tôt. Parcours classique. En « CP », son instituteur est l'un des éducateurs de l'école de rugby d'Argeles. Ses copains poussent la porte du club. « J'ai suivi ». Il se présente comme un « besogneux ». Il se reconnaît endurant. Il dit ne jamais avoir songé faire carrière. « Je n'étais pas sur des projections de haut niveau ». Jeune, il sort pourtant du lot. « Dès qu'on me donnait un os, je me jetais dessus et je ne lâchais plus ». Un état d'esprit qui ne le quittera jamais. Cadet, il intègre la sélection du Roussillon. Il grimpe les marches une à une et croise des personnalités du jeu.  « Pierre Aygalas, cadre technique du Roussillon était d'Argeles. Il m'a orienté en sport étude à Béziers où j'ai croisé Raoul Barrière. Je deviens étudiant au CREPS à Toulouse où j'ai connu Henri Bru. » 


Nous sommes en 1989. L'équipe de France est à la mode Fouroux avec des troisième ligne taillés dans la roche comme Erbani, Rodriguez ou Champ. L'USAP n'est pas au mieux de sa forme. 
Trois jours avant un match de Perpignan à Nîmes, l'entraîneur de l'USAP téléphone au CREPS pour convier Marc à ce rendez-vous. C'est sa « première » en équipe fanion. Il fait un bout de match. Au centre de l'attaque des lignes arrière. La rencontre suivante, le Blagnac de Deylaud et des frères Médard débarquent à Aimé-Giral. « On prend 30 points », glisse-t-il. Trente grains au bout d'une rencontre bien particulière pour lui : il a joué une mi-temps au poste de trois-quarts centre et une autre comme troisième ligne.


Thomas : frère de sang et d'armes


C'est bien en troisième ligne qu'il fait sa carrière de joueur. Neuf ans à l'USAP, trois au Stade Français et deux à Biarritz. Un parcours auréolé de trois titres de champion de France et de 25 sélections avec les Bleus . Aurait-il été encore plus lumineux sans cette sombre blessure au genou ? Sans aucun doute. Mais, pour Marc Lièvremont, l'essentiel est ailleurs. Il est dans la fraternité. « A Perpignan, j'ai vécu le rugby comme ça, avec le sentiment que mes coéquipiers étaient mes frères de jeu. C'était si fort que lorsque j'ai eu mes premières sélections avec les espoirs de l'équipe de France, je regardais les compositions d'équipe et je n'avais pas envie de m'y rendre. J'allais devoir jouer avec ce mec de Narbonne que je ne supportais pas, avec cet abruti de Toulon. Et puis je me suis aperçu que, sorti du terrain, le mec était assez bonnard. » 


Son histoire avec l'USAP se termine en queue de poisson. Il saturait, ne s'y « retrouvait » pas avec le nouveau président. Il rejoint la capitale. Il quitte ses « potes d'enfance, quasiment tous Catalans » pour une armada parisienne construite de toutes pièces « avec des has-been, des jeunes comme Dominici, Combat, Roumat, des Brivistes, des adversaires et une légion étrangère avec les Dominguez, Grant Ross et De Villiers ». On ne choisit pas sa famille mais son équipe peut en devenir une.


« Au Stade Français, commente Marc, nous étions les mal aimés. Nous étions très critiqués mais le ciment d'un groupe, c'est la victoire. » Ce « sentiment d'être différent » lui permet, dès sa première année à Paris, d'être champion de France, face à l'USAP, face à Thomas, son frère, avec qui il entretient un rapport particulier. Ils ont vécu, ensemble, quelques campagnes sous le maillot tricolore. Ça crée d'autres liens. Il y a eu la Coupe du Monde à VII, à Hong Kong, en 1997. Et puis il y a eu 1998. Une année phare pour les deux frangins car ils chantent, côte à côte, la Marseillaise et gagnent le grand Chelem. Ils confient souvent leur plaisir d'avoir traversé, en juin de cette année-là, une tournée en Argentine et à Fidji (5). « On fermait la porte de la chambre de l'hôtel et on se retrouvait à la maison ». Il paraît que quelqu'un avait essayé de les séparer. La plaisanterie n'avait duré qu'une nuit.


Ils s'étaient promis de finir ensemble comme joueurs. En 2000, Marc sait qu'il va signer son dernier contrat. Avec Thomas, il se rend à Londres pour rencontrer Zizan Brooke, emblématique numéro 8 des All Black que les deux hommes respectent. Ils ont un contact avec les Harlequins où évolue le Néo-Zélandais. Par le truchement de Patrice Lagisquet, ils ont aussi une ouverture du côté de Biarritz. « Socialement, explique Marc, je trouvais hasardeux l'Angleterre. Nous avons choisi le Pays Basque. Le cadre de vie a compté ».


« Méditerranéen » au Pays Basque


Marc Lièvremont se présente toujours comme un « Méditerranéen ». Il vit depuis 15 ans au Pays Basque. Son troisième enfant est né là. Celui d'avant était Parisien. Le premier était Catalan. Un gosse par club. Comme si, inconsciemment, il y avait à chaque fois un besoin viscéral de s'enraciner. Thomas est installé, lui aussi, à Biarritz et Matthieu n'habite pas loin. La tribu se reconstitue souvent, y compris l'hiver. En février dernier, l'équipe des Ménuires de Marc, ses frères et ses fils a remporté la troisième édition du tournoi des 6 stations. Elle avait gagné les deux précédentes !


Parce qu'il est l'aîné et parce qu'il a été le sélectionneur de l'équipe de France , Marc a forcément une place à part dans la fratrie. Deux positions qui ont demandé des sacrifices autres que ceux qu'ils faisaient quand il était cet infatigable plaqueur. Le dernier a eu lieu à Dax où il avait rêvé d'entraîner avec Thomas. Ils avaient fait venir Matthieu. Trois Lièvremont sous la même bannière. C'est à cette époque-là qu'il avait été appelé à prendre en mains la destinée des Bleus. Une offre qui se refuse difficilement. « J'ai demandé la permission à mes frères, confesse-t-il, mais je les plante au bout de trois mois. Ce n'est pas facile à gérer ». L'arrière-goût d'amertume est toujours là. Encore là. Un peu le même que celui vécu après son premier titre de champion de France, avec le Stade français, devant le Perpignan de Thomas. Il n'y a pas de victoire sans blessure intime.


Après les Landes, il y aura quatre ans de vie dans la maison bleue. « Je tenais surtout, glisse-t-il, que le staff soit une vraie famille. » Comme aurait-il pu en être autrement?


Bertrand Chomeil


(1) 7-5 devant Caen

(2) 37-34 après prolongation (31-31 à la fin du temps réglementaire)

(3) 25-22 après prolongation (19-19 à la fin du temps réglementaire)

(4) 34-7

(5) 2 matchs : le 13 juin victoire de la France en Argentine 35-18 et le 20 juin, nouveau succès, 37-12. Thomas jouait en 7 et Marc en 6.
Le 27 juin, les Bleus s'imposaient aussi aux Fidji 34 à 9.



Marc Lièvremont était secondé par Emile Ntamack. Cliquez sur la photo pour  voir l'interview de l'adjoint et sa relation avec le sélectionneur Marc Lièvremont.




« Je me souviens de mon

premier salaire : 500 francs »

 « Thomas était le plus athlétique de nous tous et moi j'étais plutôt un besogneux »

«  Je n'ai pas connu le maillot rose et le calendrier du Stade français »

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Photo DDM, Pierre Vincenot